Placer l’étudiant·e au centre des préoccupations d’une Haute école comme l’HEMU semble a priori une évidence. Mais l’est-elle vraiment ? Les initiatives multiples prises ces dernières années par la direction et le corps enseignant dans le but de fournir un accompagnement aussi personnalisé que possible, montrent qu’il s’agit là d’un processus au long cours, nécessitant une perpétuelle (ré)évaluation.
Pour nous faire une idée plus précise de la situation et – partant – de l’efficacité des mesures mises en œuvre, nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui nourrissent et vivent cette relation au quotidien, et avons constaté qu’au-delà des inévitables ajustements nécessaires et/ou souhaitables, une réjouissante unanimité régnait sur le sujet au sein de l’institution.
Par Antonin Scherrer
Professeure de théorie, Charlotte Perrey Beaude commence par souligner que « l’accompagnement individualisé est une nécessité dans l’enseignement de la musique », expliquant que « cette discipline, intrinsèquement pratique et artistique, exige une approche pédagogique sur mesure, adaptée à la singularité de chaque étudiant ». Elle salue l’accompagnement mis en place par l’institution, articulé autour du respect et de l’inclusion comme axes fondamentaux, insistant sur le fait que « ces principes ne sont pas de simples aspirations mais des réalités concrètement mises en œuvre au quotidien ». Le respect ? Outre l’adoption d’une charte éthique qui place cette valeur au même niveau que l’excellence, l’innovation et le partage, la professeure se réjouit de la mise en place par l’institution de formations spécifiques sur ce terrain.
Parmi celles-ci : des ateliers de sensibilisation proposés à l’ensemble du corps professoral de l’HEMU et du Conservatoire de Lausanne en partenariat avec l’association ESPAS (Espace de soutien et de prévention – abus sexuels), que l’on prévoit d’élargir à la communauté estudiantine.
« Ces mesures témoignent d’un engagement profond à créer un environnement sain et respectueux, où chaque membre se sent valorisé et entendu. »
Même satisfaction lorsqu’il s’agit de jauger les mesures prises en termes d’inclusion :
« L’HEMU se distingue par une approche proactive et systématique visant à adapter nos pratiques à un monde pluriel », poursuit Charlotte Perrey Beaude. « Nous nous efforçons d’offrir un cadre où chaque étudiant·e, au-delà de tout particularisme – neurodiversité, handicap, genre, culture ou parcours académique –, peut se former et s’épanouir pleinement et sans entrave. »
Sous sa double casquette de responsable pédagogique et d’adjoint à la direction du site de Sion, Jörg Lingenberg nous dessine les contours que peut prendre au quotidien cet engagement « sur mesure » en faveur des étudiant·es.
« La taille quasi familiale de notre site favorise les contacts informels dans les couloirs, par-delà les rendez-vous planifiés. Cela me permet de rester en phase avec nos étudiant·es, de prendre la température de leur bien-être ou, au contraire, de déceler les signes d’alerte d’un éventuel malaise ou d’une surcharge. »
Jörg Lingenberg peut pour cela compter sur un atout de choix : sa propre expérience de terrain comme musicien, qui lui procure une vraie légitimité. Parmi les aspects les plus difficiles d’une fonction qui le place en première ligne en cas de conflit, il cite « le délicat équilibre à trouver entre bienveillance et nécessaire clarté des décisions comme des sanctions », accentué par le fait que
« la musique est toujours affaire de fortes personnalités et qu’il n’est pas toujours évident pour certains de laisser leur égo au vestiaire avant la répétition […] Avec mes collègues Adjoint·es de direction et les Directeurs de sites, poursuit-il, nous avons instauré le principe ‹ Responsable pédagogique = “avocat” des étudiant·es › et ‹ Directeur du site = “avocat” des professeur·es ›, qui semble bien fonctionner jusqu’ici. »
La preuve : c’est en mettant l’accent sur le côté « passionnant et toujours différent de ce métier qui met en lien avec des jeunes issu·es de toutes les horizons culturels » qu’il conclut son témoignage.
ET LES ÉTUDIANT·ES – PUISQUE C’EST D’EUX EN FIN DE COMPTE QU’IL S’AGIT ! –, QU’EN PENSENT-ILS ?
Par la voix de la présidente de leur Association (ADE), Catherine Sarazin, ils et elles brossent un tableau forcément… contrasté.
« La première chose qui me vient à l’esprit en me remémorant mon parcours à l’HEMU est la surprise qui a été la mienne lorsqu’en entrant pour la première fois dans le bureau des études, j’ai constaté que l’ensemble de l’équipe connaissait déjà mon prénom, ma classe, voire mon plan d’études par cœur. L’HEMU offre un cadre bienveillant, structurant et sécurisant, ce qui est loin d’être négligeable dans la réussite d’un tel cursus. Beaucoup de nouveaux arrivants en Bachelor sont jeunes et expérimentent pour la première fois la vie hors du cadre familial. On prend le temps dès la rentrée de nous rencontrer chacun individuellement afin de s’assurer que l’on ne rencontre pas de problème aussi bien au niveau de notre plan d’études que de notre installation à Lausanne. L’ADE, de son côté, propose une permanence durant la première semaine et édite un guide complet (en français et en anglais) détaillant les démarches à entreprendre au moment de l’arrivée dans le pays. Autre point essentiel : l’accès aux bourses. En arrivant en Suisse, l’aspect financier est l’une des premières sources d’angoisse, voire de frein au bon déroulement des études. L’Administration réalise un travail énorme pour proposer un soutien concret aux étudiant·es, se renseigner auprès d’eux pour évaluer leurs besoins et appuyer les dossiers des plus démuni·es. »
Son expérience en tant que membre puis présidente de l’ADE vient corroborer ce constat d’une écoute constante et sans tabous de la réalité estudiantine de la part de la Direction.
« Contrairement à d’autres établissements, l’HEMU accorde une vraie valeur à l’Association, qui dépasse largement celle de pourvoyeuse de divertissements. Plusieurs rencontres avec la Direction ont lieu au fil de l’année, dont la balance idéalement dosée entre formel et informel favorise l’abord serein et transparent des sujets même les plus épineux. »
Cette écoute a évidemment ses limites en termes de traduction concrète. Si Catherine Sarazin en mesure bien les raisons – contingences pratiques et matérielles, conditionnement de certaines décisions à l’aval et/ou aux normes fixées par des instances externes à l’école (HES-SO en tête) –, elle regrette dans certaines situations le caractère par trop normé des directives – citant notamment l’exemple du quota identique d’heures d’enregistrement attribué « arbitrairement » à chaque étudiant·e indépendamment des besoins « très variables » de chacun – et effleure également ce sentiment d’« infantilisation » (revers de la médaille d’un encadrement parfois trop serré ?) rencontré chez certain·es étudiant·es en fin de parcours, qui émousserait leur motivation et leur volonté d’engagement et freinerait de ce fait le rayonnement général de l’école à l’international. Ces quelques bémols ne sauraient toutefois ternir un sentiment global de grande satisfaction :
« Si l’impact d’un environnement ouvert et chaleureux sur la réussite des études est difficilement quantifiable, je pense qu’il a au moins le mérite d’être source d’épanouissement… ce qui est déjà beaucoup à l’aulne d’un monde musical suffisamment rempli de pression, voire de comportements malsains. »
L’HEMU – Classique accueille chaque année 500 étudiant·es qui bénéficient de l’encadrement de professeur·es et accompagnateur·trices. La diversité des spécialisations offertes contribue à ouvrir de vastes horizons professionnels aux étudiant·es diplômé·es.